« La confiance se gagne en gouttes et se perd par litres »
Dans une équipe, la confiance est la clé : elle permet la délégation et le lâcher-prise. Elle est un levier de motivation et d’engagement. Enfin c’est un moteur essentiel pour faciliter la coopération.
En revanche, si elle fait défaut, alors l’ambiance vire au contrôle, au désengagement, et au repli sur soi. Le déficit de confiance est la cause de très nombreuses situations de mal-être au travail, d’échec de projets. Il peut même causer des naufrages de services ou d’organisations entières.
Le challenge pour les managers est donc de réussir à créer les conditions de cette confiance dans leur équipe. Sacré enjeu avec un groupe qui ne se connaît pas ou très peu. C’est même une mission très délicate (impossible?) quand les membres d’une équipe déjà constituée se méfient les uns des autres suite à de mauvaises expériences…
Et face à ce challenge, nous avons une première bonne nouvelle !
La confiance n’est pas quelque chose d’inné, elle se créé et elle s’entretient. Donc tout est possible. Voyons comment.
Attention ! Si la confiance se créé, elle ne se décrète pas.
La méthode Coué ne fonctionne pas pour la confiance. Essayez de répéter ce mantra « je vais lui faire confiance, je vais lui faire confiance »… Si au fond vous ressentez de la méfiance, alors cette incantation ne sert à rien. Il faut aller plus loin et construire pas à pas, de façon incrémentale, les conditions de la confiance.
Lors de sa conférence à l’Agile Tour de Bordeaux 2021, Jérome Urvoas (Lectra) nous a présenté 5 niveaux sur lesquels il faut jouer pour développer la confiance interpersonnelle. Cette synthèse nous a plu, et nous avons envie de la partager avec vous, avec quelques outils et retours d’expérience.
Voici les 5 clés qu’il a présentées.
Niveau 1: L’intention
Pour que les autres nous fassent confiance, il faut partager et poser notre intention. L’intention est la résolution que nous avons prise d’agir pour atteindre notre objectif. A nous de bien partager le but de notre présence, de nos actions, de nos demandes. C’est clairement l’idée du sens qui est ici proposée.
Dans la réalité de nos organisations: Le sens de nos actions n’est pas toujours clair, même pour nous (mais à quoi servons-nous ?)
Pour travailler sur ce niveau, rien de mieux qu’un atelier collaboratif qui permette à chacun d’exprimer sa vision du sens. Ce premier pas permet de converger vers une intention commune. Le vision boat, le Cercle d’Or, le Blason, ou le Manifeste sont des outils à mobiliser. Si le sens de l’organisation dans sa globalité est nuageux, revenez sur votre équipe restreinte. Cherchez le sens sur un périmètre plus étroit.
Retour d’expérience : Un cadre rencontré lors d’une formation nous a confié sa situation: « si je viens au bureau chaque jour, c’est pour mon équipe, mes collègues. être ensemble et se serrer les coudes, c’est ça notre raison d’être ! parce qu’au niveau du service, c’est n’importe quoi. »
Niveau 2: Le comportement
Pour créer de la confiance il faut avoir un comportement raccord, agir avec congruence. C’est à dire être aligné entre ce que nous disons ce que nous faisons. La congruence permet à nos co-équipiers de pouvoir se fier à nous. Le contraire apporte un sentiment de manque d’authenticité, de dissimulation, voire de tromperie. Ce qui provoque une perte de confiance quasi instantanée. Le sentiment qu’il y a un hiatus entre ce que nous percevons de quelqu’un et ce qu’il est réellement nous conduit à nous méfier.
Dans la réalité de nos organisations : la congruence est souvent sévèrement mise à l’épreuve par les injonctions paradoxales du système global…Comment être aligné entre ce que je pense et ce que je fais si les demandes de ma hiérarchie sont incohérentes avec mes valeurs ?
Pour travailler ce point, nous pensons que la notion de transparence envers nos co-équipiers est un atout essentiel. Mettre les tabous sur la table, donner les informations, expliquer sa position et chercher à agir en vérité. Comme le dit William Schulz (L’élément humain), la vérité est simplificatrice…
Niveau 3 : Les compétences.
Il faut ici rassurer et être rassuré sur nos propres compétences et celles des autres. Nous créons les conditions de la confiance en montrant que nous avons les compétences nécessaires pour bien faire notre travail.
Dans le cas inverse, nos co-équipiers vont mécaniquement augmenter leur niveau de contrôle pour éviter de possibles problèmes.
Dans la réalité de nos organisations; nos compétences et celles des autres sont rarement affichées et partagées. A peine sait-on ce que font nos voisins de bureau… Une ignorance qui va prendre encore plus d’ampleur avec l’essor du télétravail.
Pour partager ces informations essentielles, l’équipe peut réaliser une matrice des compétences. Cet outil lui permettra de rendre visible les savoir-faire et savoir-être de ses membres. Cette matrice permet de se rassurer mutuellement. Et bien sûr de repérer également des points d’amélioration à prendre en compte.
Niveau 4: Le succès.
Obtenir des réussites, seul ou avec son équipe et montrer la part qui nous revient dans ces réussites n’est pas de la vanité ! C’est la base de la démarche appréciative. Nous avons davantage tendance à accorder notre confiance une fois les premières preuves de fiabilité et de succès obtenues. Mettre de côté notre modestie de temps en temps et partager nos réussites est donc un gage de confiance.
Dans la réalité de nos organisations : il est souvent mal vu d’afficher ses succès (surtout dans la culture française) : ne va-t-on pas faire preuve de trop d’orgueil ?
Retour d’expérience : dans nos ateliers il est arrivé que des participants rechignent à raconter un épisode de leur vie professionnelle où ils ont connu du succès. Nous avons alors cherché à afficher les réussites globaux de l’équipe. Le but de la manoeuvre : développer la confiance en contournant ce penchant culturel à trop de (fausse) modestie. Pour ensuite amener les gens, petit à petit, à affirmer leurs succès.
Niveau 5 : La vulnérabilité.
Il est essentiel que chacun puisse également exprimer ses points faibles et ses doutes pour développer de la confiance entre les membres d’une équipe.
Je ferai davantage confiance à quelqu’un dont je connais les forces et les faiblesses qu’à celui que je ne cerne pas clairement. D’ailleurs, tous les super héros tombent le masque de temps en temps pour montrer leurs faiblesses !
Dans la réalité de nos organisations : il est parfois difficile avec nos cultures d’entreprise de montrer nos failles… Car même s’il n’est pas bon d’être le premier de la classe (orgueil!), il n’est pas bon non plus d’être le cancre de service…Le droit à l’erreur et la culture de l’échec sont encore des concepts un peu flous …
Retour d’expérience : Une cadre débordée et atteinte du syndrôme du manager pompier décide, après une formation avec nous, de mettre carte sur table avec son équipe. Elle organise un atelier et leur fait part de ses difficultés: elle est au bord du craquage s’ils continuent tous à s’appuyer sur elle comme ça !
Résultat : en 2h de réunion, ils ont trouvé de nouvelles solutions ensemble, elle s’est sentie écoutée. Exposer sa vulnérabilité les a rendu plus … autonomes.
CQFD…